Quel est le service de renseignement européen qui a révélé la réalité du plan de paix Trump ?



Publié par Paul-Gabriel LANTZ le 1 Décembre 2025

Le 29 novembre 2025, le Wall Street Journal a révélé qu’un service de renseignement européen avait diffusé un rapport interne sur les « projets commerciaux et économiques » que l’équipe Trump mènerait en secret avec la Russie, en marge du plan de paix en 28 points pour l’Ukraine. Selon ce document, ces discussions vont bien au-delà d’un cessez-le-feu : il s’agit de remettre la Russie au cœur du jeu économique mondial, en donnant la priorité aux entreprises américaines. Pour plusieurs capitales européennes, ce projet revient à échanger la sécurité de l’Europe contre un grand marchandage russo-américain. Les leviers idéologiques russes activés sur la partie américaine sont simples mais efficaces : Soif de richesse, candeur et foi absolue en le pouvoir du libre-échange et illusion d’une communauté de valeurs.



Un plan négocié à Miami, à la croisée des intérêts d’affaires et du Kremlin

Donald Trump et Vladimir Poutine lors de leur rencontre en Alaska - Creative Commons
D’après l’enquête du Wall Street Journal, confirmée et complétée par Axios, Reuters et d’autres médias, une partie du plan de paix américain a été élaborée à Miami Beach, lors de réunions fin octobre entre Steve Witkoff, envoyé spécial de Donald Trump, Jared Kushner, gendre du président, et Kirill Dmitriev, patron du fonds souverain russe et négociateur choisi par Vladimir Poutine. Les trois hommes ont travaillé sur un document de 28 points qui prévoit à la fois des concessions territoriales ukrainiennes et un vaste volet économique.

Selon ces sources, Dmitriev pousse notamment un schéma permettant d’utiliser près de 300 milliards de dollars d’actifs de la Banque centrale russe gelés en Europe pour financer des projets communs russo-américains et une reconstruction de l’Ukraine pilotée par Washington.  L’esprit du texte est clair : transformer la Russie, non en menace stratégique, mais en partenaire d’affaires prioritaire des États-Unis, au détriment des Européens. Plusieurs enquêtes montrent par ailleurs que le plan américain reprend de nombreux éléments d’un « non-paper » rédigé côté russe, ce qui explique qu’il soit largement perçu, à Kyiv comme dans plusieurs capitales européennes, comme très favorable à Moscou. 

 

Une onde de choc dans les capitales européennes

C’est dans ce contexte qu’un service de renseignement européen a distribué, sous enveloppe papier, une analyse détaillant ces projets économiques et miniers envisagés entre Washington et Moscou, notamment dans l’Arctique et autour des terres rares. Le rapport, selon le Wall Street Journal, a provoqué une véritable onde de choc auprès de plusieurs hauts responsables de la sécurité nationale. Pour les décideurs européens, si Washington reconnaît de facto les gains territoriaux russes, la situation doit désormais être traitée comme une « urgence stratégique » et non plus comme un simple désaccord diplomatique.

Les mêmes sources décrivent un climat de défiance croissante. Donald Trump continue de présenter la Russie comme une immense opportunité économique et mise sur la promesse de contrats miniers, énergétiques et d’infrastructures pour reconfigurer la relation avec Moscou. Dans ce schéma, les Européens apparaissent comme des acteurs secondaires, invités à s’aligner sur un compromis négocié ailleurs. La formule du Premier ministre polonais Donald Tusk, rapportée par la presse, résume cette perception : « Nous savons qu’il ne s’agit pas de paix. Il s’agit de business. » 

 

L’hypothèse d’une riposte : la pression par les marchés de la dette américaine

Face à ce qu’ils considèrent comme un basculement géopolitique majeur, un accord Trump-Poutine redessinant les frontières en Europe et réintégrant la Russie dans l’économie mondiale, certains cercles européens explorent des scénarios de contre-mesures économiques. Au cœur de ces réflexions, une vulnérabilité bien connue : le niveau de dette publique des États-Unis et la dépendance de Washington aux acheteurs étrangers de bons du Trésor, qui détiennent plusieurs milliers de milliards de dollars de titres fédéraux.

Une vente rapide, même partielle, des obligations américaines détenues par des États européens et des partenaires alignés pourrait, en théorie, déstabiliser brutalement le dollar, tendre la liquidité du système bancaire américain, faire bondir les coûts d’emprunt et provoquer une crise financière plus grave encore que celle de 2008. Dans ce scénario, l’impact politique intérieur serait considérable à l’approche des élections de mi-mandat américaines, avec un risque de sanction durable pour le Parti républicain, jugé responsable d’avoir privilégié des accords privés avec Moscou au détriment de la stabilité des alliés.

Ces mesures de rétorsion  restent à ce stade exploratoires. Elles s’inscrivent dans un contexte plus large de rééquilibrage transatlantique, déjà analysé à propos de la volonté de Washington de pousser l’Allemagne au premier plan de l’OTAN en Europe.

L’Europe, concluent plusieurs responsables interrogés par la presse, doit désormais envisager l’hypothèse que sous Donald Trump, les États-Unis ne soient plus un partenaire de sécurité pleinement fiable, mais un acteur poursuivant prioritairement ses propres intérêts économiques, y compris au prix de concessions territoriales imposées à l’Ukraine. Si la Maison-Blanche choisit de légitimer l’agression russe en l’habillant d’un grand accord de paix adossé à des contrats, l’option d’une riposte par la puissance financière européenne pourrait ne plus rester théorique très longtemps. 

 

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